Mathieu nous a parlé des liens entre refus de la corruption, écologie radicale et anti-capitalisme

Dimanche 26 février 2017 // 363 mars à 16h


Mathieu est venu à Debout Éducation Populaire sur la Place de la République nous parler du lien entre refus de la corruption, écologie radicale et rejet du système de domination.
Suite au mouvement StopCorruption, une intervention qui pose les questions fondamentales pour démontrer comment la corruption est inhérente au système capitaliste.

Audio à écouter en fin de page!


NUIT DEBOUT EDUCATION POPULAIRE – 26 FÉVRIER 2017

LA CORRUPTION DANS SON MILIEU NATUREL

La campagne présidentielle, déjà largement articulée autour des personnalités politiques au risque d’occulter les grands enjeux sociétaux et les programmes, un trait déterminant de la Vème République et de son régime présidentiel, a encore réduit le spectre de sa vision depuis bientôt un mois pour se concentrer sur une question unique : la corruption présumée de François Fillon, et celle, moins médiatisée, de Marine Le Pen. La campagne présidentielle tend ainsi à se théâtraliser, avec rebondissements, péripéties, quiproquos, autant d’artifices qui peuvent la faire basculer tantôt dans le vaudeville, tantôt dans la tragédie, mais qui la limitent à un simulacre, et maintiennent les projecteurs sur un nombre limité de protagonistes, pour mieux invisibiliser encore les forces sociales, les luttes, les classes populaires, ou tout autre élément de la société dont on ne veut pas, dans les médias ni dans les sphères du pouvoir, qu’il puisse être reconnu comme sujet pensant et agissant. Les « sans-dents » ne sont de bons sujets médiatiques que quand ils sont de loyaux sujets de la couronne, ou lorsque l’on peut les réduire à des objets sous la catégorie du « casseur », jamais qualifié de « révolté » car il faudrait alors dire contre quoi il se révolte. Donc, sur la skéné du drame politique contemporain, on joue « La corruption ». Mon propos sera, à partir de cette scène exemplaire, de tenter de me détacher d’une perspective individuelle, et donc des cas de François Fillon ou Marine Le Pen, pour envisager la corruption non point seulement comme une déviance des élus de la République mais comme le régime général de l’économie capitaliste, et même, au-delà, le produit d’un principe que j’appellerai le principe de domination.

1) L’aveuglement de classe

Quand Monsieur Fillon dit qu’il n’avait pas pris conscience que les représentations avaient changé, je le crois presque. Mon propos est un peu provocateur, mais, d’une certaine manière, je crois que sur ce point, il ne ment pas totalement. Il ne se perçoit pas lui-même comme un voleur. Un voleur, c’est, dans la représentation du monde qui est celle de M. Fillon, quelqu’un qui vous dérobe votre téléphone portable en pleine rue, ou qui braque une banque. Les voleurs sont sales, violents, illettrés. Au contraire, rémunérer sa femme et ses enfants avec l’argent de l’Etat, capter tout le budget alloué aux assistants parlementaires pour s’enrichir ou pour favoriser ses enfants, dans le monde de M. Fillon, ce n’est pas voler. Pourquoi ? Parce que depuis qu’il est devenu député, et probablement même avant, tous ses pairs lui ont inculqué la légitimité de ce système de rémunération parallèle. Quand il dit ensuite et le répète par la voix de ses avocats que le parquet national financier n’a pas la compétence pour enquêter sur les rémunérations des assistants parlementaires et quand d’autres députés viennent affirmer que personne n’a à se mêler de ce que les députés font de l’enveloppe qui leur est allouée, bien entendu cela vous choque, cela me scandalise. Mais ils ne font qu’exprimer là une coutume, une loi tacite qui ne peut s’appliquer que tant qu’elle reste secrète, tant qu’elle demeure invisible, tant qu’elle s’applique entre soi, à l’intérieur de l’oligarchie. Ils feraient sans doute mieux, dans leur propre intérêt, de ne rien dire et de continuer à faire tant qu’on ne les attrape pas.

2) Une justice à deux vitesses

Il y a quelques jours, alors qu’ils venaient d’étendre le cadre de l’usage de la force par la police et d’élargir les circonstances dans lesquelles les policiers peuvent faire usage de leurs armes, les députés votaient une modification de la prescriptions pour les délits occultes, comme l’abus de biens sociaux, le détournement de fonds, etc, réduisant à douze ans le délai de prescription pour ces délits de cols blancs, ces délits de bourgeois, alors que ce délai était multiplié par deux pour tous les autres délits et crimes. Selon cette nouvelle loi, l’enquête sur les emplois fictifs de M. Fillon ne pourrait pas remonter au-delà de 2004, alors que Mediapart et le Canard enchaîné ont révélé que le système de pompage de l’argent public de M. Fillon est en place depuis 1989. Et ce n’est donc pas un élu seul, qui se drape dans sa dignité parlementaire pour échapper aux poursuites, ce n’est pas Marine Le Pen seule qui conteste la compétence du Parlement Européen à lui demander des comptes et se soustrait à la police et à la Justice, c’est l’ensemble des députés, qu’ils aient voté pour ou qu’ils se soient abstenus, qui s’amnistie collectivement, puisque les faits de détournement, par nature cachés, mettent du temps à être découverts. Comme le disait quelqu’un la semaine dernière en Assemblé Générale sur la place de la République, on peut désormais piquer dans la caisse, et si l’on est assez habile pour le cacher pendant douze ans, eh bien, on peut garder l’argent. C’est la prime à la dissimulation, c’est la récompense au mensonge. Alors, indignez-vous, bien entendu. Indignez-vous sans cesse. Fustigez les députés corrompus, qu’on les nomme, tandis qu’ils se précipitent comme des rats pour changer le nom de leur assistant parlementaire, avant que le bateau sombre. Car ce sont 20 à 25% des députés qui emploient leur conjoint ou un membre de leur famille proche. Même si l’emploi n’est pas fictif, cela s’appelle du népotisme. Et c’est vieux comme la république romaine.

3) Le régime parlementaire comme régime de classe

Pourtant, d’une certaine manière, nous avons tort de nous indigner. D’une certaine manière, nous avons tort d’être ici sur cette place à nous lamenter du comportement de nos représentants politiques. Nous avons tort de nous plaindre si nous ne protestons que contre les agissements de Mme Le Pen et de ses subordonnés du parti le plus corrompu et condamné de France, nous avons tort de nous rassembler si nous ne sommes là que pour nous étonner que M. Fillon ne soit pas le bon père de famille intègre et chrétien qu’il a toujours prétendu être. Nous avons tort d’être aussi naïfs. Car cette corruption, elle n’est pas le seul fait des individus. Cette corruption, c’est en réalité la règle générale d’une classe. Ne soyons pas surpris, ne soyons pas étonnés. L’étonnement et la sidération paralysent l’action. Ne soyons pas étonnés, ne soyons pas surpris, car il n’y pas là de miracle : il est dans la nature d’un député de la république parlementaire d’être corruptible ou de se trouver en position de l’être, de se trouver soumis à la tentation. Pourquoi ? Peut-être parce qu’il trouve, nous dit-on, qu’il n’est pas assez payé et que d’une certaine manière, il a bien raison. Pas assez payé pour son emploi fictif, puisqu’il ne vient pas voter à l’assemblée, il a mieux à faire ; pas assez payé surtout par rapport à la classe à laquelle il appartient, la grande bourgeoisie.

Bien évidemment à présent, je dois expliquer : il y a quelques-jours, Alain Minc, grand détourneur lui-même du travail d’autrui puisqu’il a coutume de plagier ses confrères, Alain Minc a déclaré, vous l’avez peut-être lu, il a déclaré que la raison de cette corruption, de ces détournements de fond, c’est le fait que les députés ne sont pas assez payés. Et certainement cette remarque aurait pu s’étendre à une grande partie de la haute fonction publique. Evidemment lorsqu’il dit cela, Alain Minc, ça choque une partie de l’opinion, et on compare : on compare le salaire des députés avec celui des fonctionnaires par exemple. Pour un fonctionnaire de mairie de catégorie B, le salaire de François Fillon paraît mirifique. Et quand on le compare au SMIC, au salaire moyen, la disproportion est encore plus flagrante. Mais si on s’en tient là, on ne peut pas comprendre. Alain Minc n’est pas du tout un abruti. Je n’ai aucune envie de dire du bien d’Alain Minc, dans ce combat il est l’ennemi, mais réfléchissons une seconde. Pourquoi Alain Minc dit cela ? Il dit cela parce que lui, il ne compare pas du tout le salaire de François Fillon au vôtre, au mien, à celui du français moyen. Il compare le salaire de François Fillon et les avantages qui y sont liés (notamment en termes de retraite) à ceux de sa classe, à ceux de la grande bourgeoise dont il est issu et dont il est le représentant et le protecteur. François Fillon n’est pas du tout député de la Sarthe, François Fillon est député de la grande bourgeoisie et de ses châteaux à x pièces qu’elle appelle « maison ». Et là tout s’éclaire : parce que oui, quand vous êtes un grand bourgeois comme lui, et que vous passez naturellement par les grandes écoles que sont Sciences Po, HEC, Normale Sup, l’ENA non pas pour y apprendre quelque chose mais parce que c’est là que vous retrouverez ceux qui vous ressemblent, quand vous avez connu les privilèges de votre classe, et que vous choisissez la voie de la politique, eh bien vous trouvez que le salaire d’un député, c’est pas grand chose. Parce que M. Fillon ne compare pas son salaire au vôtre, au mien, il le compare aux salaires de ses pairs de classe, aux salaires de ceux qui sont issus eux aussi de la grande bourgeoisie et qui sont désormais patrons de grandes entreprises, avocats-banquiers, et qui comme M. Macron par exemple, gagnent, sur une opération de rachat (Fusacq comme ils disent dans leur jargon), deux millions d’euros d’un coup de baguette magique, soit davantage que tout ce que M. Fillon a pu patiemment détourner sur son enveloppe parlementaire pendant dix ans. Alors me direz-vous, pourquoi François Fillon n’a-t-il pas fait comme les autres grands-bourgeois qui sont allés travailler dans le privé pour s’enrichir ? Pourquoi n’a-t-il pas fait comme Emmanuel Macron ? S’il a choisi le service public, la carrière politique, il n’à qu’à assumer d’être moins bien payé, non ? Là vous lui en demandez beaucoup.

4) La politique au service du capitalisme

Surtout, posez-vous la question : pourquoi est-il devenu député ? Pour servir la France ? Pas du tout. François Fillon est devenu député parce que sa classe sociale a besoin qu’il le soit. La grande bourgeoisie a besoin de gens comme François Fillon à l’assemblée, pour maintenir ses privilèges. Imaginez que tous les bourgeois se mettent à travailler chez Nestlé ou Total et que l’assemblé se remplisse de députés ouvriers ? Demain les députés ouvriers votent des lois qui protègent les travailleurs, qui augmentent les salaires minimums, voire même nationalisent Nestlé, Total… vous rigolez, ce n’est pas possible ! Non, cela n’est pas possible. La bourgeoisie conservatrice a besoin d’être représentée au parlement : à l’assemblée, au sénat. Elle a besoin de M. Fillon, de M. Dassault, autre escroc notoire. Je dirais même plus, les grandes entreprises françaises et étrangères ont besoin que François Fillon soit député. AXA Assurances, qui a été client de la société de conseil de François Fillon, créée de manière habile juste avant qu’il ne devienne député, AXA assurances a besoin que François Fillon soit député pour que François Fillon puisse, depuis l’assemblée, démanteler notre système de sécurité sociale ; je vais même dire plus : les grandes entreprises ont besoin que M. Fillon soit député comme elles ont besoin que MM. Niel, Bergé, et Pigasse soient propriétaires du journal Le Monde, que M. Drahi soit propriétaire de Libération, L’express, RMC, BFMTV… Les grandes entreprises capitalistes et les grands patrons de la finance ont besoin de contrôler l’assemblée et le Sénat comme ils ont besoin de contrôler la presse. Et la presse française est structurellement corrompue comme l’assemblée nationale est structurellement corrompue. Ce qui ne veut pas dire que les députés, individuellement, ou les journalistes, individuellement, détournent de l’argent, ou désinforment volontairement. Mais au-dessus d’eux, il y a un comité de rédaction, ou un président du groupe socialiste, ou un patron de multinationale qui leur fait comprendre que s’ils veulent garder leur emploi, leur carte de presse, leur siège à l’assemblée, leurs dons pour financer leur campagne, eh bien il faut avaler la couleuvre, il faut s’abstenir de voter contre telle ou telle loi inique, il faut se soumettre. Les journalistes et les députés aujourd’hui, pour la plupart, travaillent vraisemblablement dans un cadre qui organise la malhonnêteté : ou bien ils se censurent, ou bien ils sont censurés.

Parfois cela se voit : rappelez-vous, l’année dernière, ce Michel Raison qui était interviewé par une journaliste de Cash Investigation (https://www.youtube.com/watch?v=9HEeyEQyEbY ), dans un couloir de l’assemblée nationale, sur les questions alimentaires ; tout à coup sa collaboratrice intervient, il se lève, et oubliant qu’il porte un micro-cravate, on l’entend s’entretenir avec sa collaboratrice qui lui propose d’appeler l’ANIA, c’est-à-dire justement, un lobby. C’est aussi ça, la corruption. Déjà en 2011 trois députés européens avaient été piégés par des journalistes en acceptant de déposer des amendements contre de l’argent :

http://www.lemonde.fr/europe/article/2011/03/20/pieges-par-de-faux-lobbyistes-trois-eurodeputes-acceptent-de-deposer-des-amendements-contre-de-l-argent_1495941_3214.html

Cela se voit enfin quand Vincent Bolloré censure des reportages sur des entreprises dont il est actionnaire ou propriétaire.

5) Une presse entravée

En 1945, dans le Programme du Conseil National de la Résistance figuraient de nombreuses mesures pour éviter le retour du fascisme et de l’oppression : parmi ces mesures, il y avait la Sécurité sociale (26 avril 1946)  celle-là même que M. Fillon veut démanteler pour confier notre santé aux intérêts privés des compagnies d’assurance. Parmi ces mesures, il y avait aussi la nécessité d’une presse libre, libre des influences politiques, libre des grands intérêts financiers. Ce n’est plus le cas comme cela a été largement démontré par les cartographies du Monde Diplomatique et d’Acrimed qui exposent la concentration des organes de presse aux mains de grands patrons, dont beaucoup sont multimilliardaires.à l’inverse, qui est la pointe des révélations sur François Fillon : Mediapart et le Canard enchaîné : deux organes de presse libre. Parce que seule la presse libérée des patrons du CAC 40 peut aujourd’hui interpeller quelqu’un comme François Fillon ; le reste de la presse a suivi, avec plus ou moins de réticence, en profitant parfois pour prendre sa défense. S’ils avaient passé sous silence, cela se serait trop vu, et donc ils ont relayé. Ils n’ont pas pris d’initiatives, notez bien. Ils ont laissé Mediapart et Le Canard enchaîné faire leur travail. En observateurs plus ou moins complaisants, sans trop se mouiller. Et donc François Fillon riposte. François Fillon s’attaque aujourd’hui à la presse : il dénonce une campagne de presse qui serait selon lui un coup d’état institutionnel. D’abord je ne vois pas comment la dénonciation d’un député corrompu pourrait menacer les institutions de la cinquième république, parce qu’il n’est pas Président que je sache ; M. Fillon se donne ici beaucoup d’importance et une place qui n’est pas la sienne. Par son obstination à vouloir demeurer candidat, c’est lui qui décrédibilise la droite traditionnelle et menace de pousser ses électeurs les uns vers M. Macron, les autres vers le Front National.

Ensuite M. Fillon s’en prend au Parquet National Financier et donc à l’appareil judiciaire et dénonce le non-respect de la séparation des pouvoirs. Mais justement la séparation des pouvoirs consiste dans le fait même que les députés ne soient pas au-dessus des lois, que la justice ne soit pas au service de l’exécutif, etc.

On a coutume de dire que l’arbre cache la forêt. On a envie de dire que François Fillon et Marine Le Pen ne sont que la partie émergée de l’iceberg, soit dix pour cent de la réalité. L’iceberg demeurant, quant à lui, largement invisible. Mais François Fillon et Marine Le Pen ne sont qu’une boule de neige posée au sommet de l’iceberg, comme l’étoile au-dessus du sapin de noël, comme la cerise sur le gâteau.

6) De quoi la corruption est-elle le nom ?

Le mot de corruption désignait au dix-huitième siècle la pourriture, l’altération de la substance par décomposition. Dans ce sens, le mot relèverait aujourd’hui des sciences naturelles, de la biologie plus précisément. On retrouverait alors les métaphores du corps politique ; mais la corruption c’est aussi l’altération du jugement, du goût, du langage : par exemple lorsque l’on parle d’interpellation musclée pour désigner un viol en réunion par personnes dépositaires de l’autorité publique. Les détournements de fonds sont aussi des détournements de forme, des détournements de sens. Ce n’est qu’en troisième sens que l’on trouve dans le Robert des noms communs la définition de la corruption comme le fait de corrompre moralement : avilissement, dépravation, gangrène, perversion, souillure, vice. Enfin, quatrième sens, emploi de moyens condamnables, bakchich, pots-de-vins, dessous-de-table pour faire agir quelqu’un contre son devoir. On voit que l’enrichissement personnel, dont on soupçonne François Fillon, l’abus de biens sociaux, n’est même pas envisagé par le Robert comme un phénomène de corruption. Pourquoi ? La raison en est simple.

La corruption des députés, ce n’est pas le ridicule million d’euros siphonné par Fillon sur le nom de sa femme qui semble-t-il n’avait rien demandé ; la corruption des députés, c’est leur soumission aux intérêts du capitalisme ; la corruption politique c’est quand le traité du CETA, ratifié par le parlement européen va donner aux grandes multinationales la possibilité d’attaquer les états en justice si leur législation leur est défavorable ; la corruption c’est quand des parlements nationaux ou européens adoptent des traités qui permettent aux multinationales de mettre de la merde dans les assiettes des peuple alors même que ces peuples demandent une alimentation moins opaque, plus saine, plus respectueuse de l’environnement, la corruption, c’est quand les élus de la république s’abstiennent ou s’absentent de l’assemblée lorsque l’on y vote des lois iniques et sécuritaires, et contraires à l’intérêt commun. La corruption, c’est quand le rapporteur de la loi sur la réversibilité d’un projet d’enfouissement de déchets nucléaires de l’ANDRA, l’agence nationale de gestion des déchets, quand le rapporteur de la loi est le patron de l’ANDRA lui-même : comment pourrait-il aller devant les députés et argumenter autre chose que la parfaite sécurité et viabilité du projet qu’il a lui-même piloté ? La corruption c’est quand EDF, le grand ami et le partenaire naturel de l’ANDRA, implante ses nouvelles archives tout près du futur site d’enfouissements de déchets nucléaires pour drainer les emplois locaux et soumettre les habitants à la pression économique de leur employeur en plus de celle, politique, des élus locaux qu’ils ont arrosé de fric depuis vingt ans. La corruption c’est quand le porte-parole de François Fillon est rémunéré depuis 2011 par Chimirec, une entreprise condamnée pour le traitement frauduleux de déchets polluants. La corruption c’est quand les politiques publiques sont évaluées par ceux-là mêmes qui les ont pensées et menées, et qui sont au service du grand patronat et des actionnaires : la corruption c’est quand le CICE, le grand projet d’exonération d’impôts au profit des entreprises, ne sert pas à embaucher ou à investir dans le progrès technologique mais à payer des dividendes aux actionnaires du CAC 40 (Mediapart 19 juillet 2016) 48 milliards depuis 2013 de cadeau fiscal aux entreprises, accordé sans distinction, sans justification, sans contreparties ; c’est-à-dire que les entreprises n’ont pas à prouver qu’elles ont embauché ou investi pour continuer à bénéficier de ce dispositif, adopté sous forme d’amendement à la loi de finances, sans étude d’impact, sur la seule foi de Pierre Gattaz, patron du MEDEF, qui promettait que ce dispositif allait créer un million d’emplois. Un million d’emplois ! Au lieu de baisser, le nombre de chômeurs a augmenté sur cette période d’environ cinq cent mille. La corruption, c’est quand un gouvernement accepte que ses fonctionnaires fassent l’aller et retour entre le secteur public et le secteur privé alors que leurs intérêts sont en conflit évident. À moins que l’on finisse par admettre que cette porosité entre la Banque Rotschild et le Ministère de l’Economie et des finances vient de ce que le Ministère de l’économie et des finances est au service de la Banque Rotschild, et des autres banques que le gouvernement s’empresse de renflouer lorsqu’elles s’effondrent d’avoir été trop gourmandes et trop corrompues. La corruption, c’est quand Christine Lagarde accorde sans y regarder à deux fois quatre cent millions d’euros à Bernard Tapie et qu’elle est ensuite condamnée, mais ne purge aucune peine, ne paie aucune amende, n’est même pas destituée de la moindre fonction qu’elle occupe. La corruption, c’est quand l’inspection générale de la police nationale laisse revenir dans les rangs de la police un homme, Vincent Lafon, qui lors d’une interpellation en 2004 aurait laissé ses hommes introduire un enjoliveur de voiture dans les fesses d’un prévenu. En 2014 le voilà à présent Commissaire de Police d’Aulnay-sous-bois Comment s’étonner lorsqu’en 2017, des agents de police qui sont sous sa responsabilité de, reproduisent la même agression, avec une matraque cette fois ? Prise dans ses conflits d’intérêt, corrompue jusqu’à la moelle, l’IGPN invente pour les protéger la qualification de viol par accident. La corruption, c’est quand les institutions d’un pays ne sont plus au service du plus grand nombre mais d’une caste oligarchique, quand ces institutions ne servent plus à protéger les plus fragiles mais à les criminaliser, la corruption c’est quand les puissants s’organisent entre eux, et contrairement à nous ils sont très organisés, pour se placer au dessus des lois ou pour faire voter des lois qui les protègent. La corruption, c’est quand nos démocraties se mettent à faire des affaires avec des dictatures, quand des entreprises françaises vont faire des bénéfices dans des pays où les droits humains ne sont pas respectés et que par ricochet, ces mêmes droits humains cessent d’être une référence pour les gouvernants car ils entravent la logique capitaliste. La corruption c’est quand, oubliant les droits humains au nom du libéralisme économique, notre pays refuse d’accueillir les peuples qui fuient la dictature, la guerre, l’oppression, la mort. La corruption politique ce n’est pas seulement ceux qui sont corrompus, c’est surtout ceux qui corrompent : regardez qui leur donne de l’argent, et pourquoi : l’ANDRA donne de l’argent pour faire taire les opposants à des projets dangereux et illégaux. AXA donne de l’argent à François Fillon sans doute dans l’espoir qu’il promeuve une politique favorable à ses intérêts. Chimirec donne de l’argent à Thierry Solère, sans doute pour obtenir de lui un avantage compétitif, ou l’oubli de certains dossiers gênants. La corruption ce n’est pas seulement piquer dans les caisses de l’état ou des collectivités locales pour son enrichissement personnel. La corruption c’est surtout prendre l’argent des multinationales pour mener une politique qui leur bénéfice et non une politique qui bénéfice au plus grand nombre.

Alors si vous êtes contre la corruption, vous êtes aussi contre tout cela, vous êtes contre le capitalisme et les autres formes de domination – et si vous n’êtes pas contre le capitalisme, sachez que lui, quoi qu’il arrive, est contre vous. Aujourd’hui des manifestants retrouvent le chemin des places publiques pour protester contre la corruption. Il faut comprendre qu’elle est indissociable du capitalisme. À ceux qui voudraient croire que nettoyer les écuries d’Augias suffirait, nous répondons qu’il faut tuer l’hydre de Lerne, dont les têtes se multiplient à mesure qu’on les coupe. La corruption est le mode naturel d’existence et de fonctionnement du capitalisme parce que le capitalisme, c’est l’exploitation de l’homme par l’homme, c’est la confiscation des fruits du travail par le capital, c’est la confiscation de la richesse par une oligarchie, c’est fonder la richesse des uns sur l’appauvrissement des autres : c’est soumettre à l’intérêt financier de quelques-uns toutes les ressources de la planète, et l’humanité entière. La corruption, qui sacrifie l’intérêt général au profit d’intérêts particuliers, est l’instrument ordinaire du capitalisme. Il n’y a pas de capitalisme sans corruption et si vous voulez vous défaire de la corruption, il faut vous défaire du capitalisme. Je ne le dis pas par goût du raccourci démagogique, mais parce qu’il est nécessaire de replacer le comportement indélicat de nos élus dans une logique qui les englobe et les dépasse.

Parler du capitalisme aujourd’hui, c’est devenu obscène pour toute une partie de la gauche, mais devant le Medef, François Fillon, lui, parle bien du capital par opposition au travail. Il n’hésite pas. Pourquoi en face de lui, le Parti Socialiste n’ose plus évoquer l’opposition entre capital et travail ? Parce que la droite a gagné. La droite a tellement gagné que le Parti socialiste fait sa politique à sa place. Et on ne parle plus du capitalisme, comme Voldemort, on ne prononce pas son nom, par peur : c’est le fondement même du déni. Si je fais semblant que Voldemort ne soit pas de retour, c’est comme s’il n’était pas vraiment de retour, n’est-ce pas ? Mais nous ne sommes pas des enfants. Pourquoi nous obstinons-nous à croire au Père Noël ? Pourquoi ne voulons nous pas voir le vrai visage qui se dissimule derrière le masque de la corruption, celui d’un système qui œuvre à la domination, à l’exploitation généralisée : l’exploitation des hommes par d’autres hommes dans les entreprises, l’exploitation des femmes par les hommes partout, l’exploitation des animaux par l’homme dans les fermes-usines, l’exploitation du continent Africain par toutes les anciennes puissances coloniales devenues néo-coloniales, l’exploitation effrénée de la planète enfin par toute l’espèce humaine.

On peut inventer cinquante manières de nommer le diable, il n’en sera pas moins le diable, le principe même de division. Et nous serons les victimes de la corruption tant que nous serons divisés. Il y a ceux qui se mobilisent contre les violences d’une police corrompue qui organise parfois au plus haut niveau le trafic de drogue, d’une police qui tabasse et viole dans les banlieues défavorisées comme dans de nouvelles colonies, prenant sans doute exemple sur une armée qui tabasse et viole dans les pays d’Afrique où elle intervient. Il y a ceux qui se mobilisent contre le CETA, contre le nucléaire et sa logique absurde de production de déchets mortels dont le coût est incommensurable, et que l’état va devoir financer avec nos impôts au lieu de construire des écoles, il y a ceux qui se mobilisent justement contre l’accroissement des inégalités scolaires, qui permettent à la classe dominante de rester dominante, et condamne les plus défavorisés à la double peine d’être pauvres et d’apprendre dans des lycées eux aussi pauvres, il y a ceux qui se mobilisent contre les inégalités de salaire entre hommes et femmes, et pour la fin du plafond de verre… si je faisais la liste des combats à mener, nous serions ici jusqu’à demain soir. Et pourtant, ces luttes se croisent. Il existe un point où elles convergent, un point à partir duquel nous pouvons mener tous les combats qu’il faut mener : et ce point là, c’est le principe de domination. Mais ne nous arrêtons pas à la corruption dans notre lutte. Car ce qui nous choque dans la corruption, c’est bien l’injustice, et ce qui produit l’injustice, c’est le principe de domination.

Nous sommes tous, à divers degrés, des produits et des agents de systèmes de domination. Alors, comment lutter ? Le capitalisme a bien compris cela, il nous encourage à ne pas confondre, à ne pas faire d’amalgame, et sous ce prétexte-là, nous enseigne à ne voir que par le petit bout de la lorgnette. Voyons plus grand, voyons mieux. Voyons ensemble. Il n’est bien entendu pas question d’arrêter de lutter contre la corruption, de dénoncer les individus qui détournent, volent, mentent, favorisent leurs amis, au lieu de servir l’intérêt public. Mais il ne faut pas non plus s’en tenir là. Il ne faut pas arrêter de lutter. Mais il faut arrêter de lutter chacun de son côté.

7) La convergence des luttes

Apprendre à voir partout où il se déguise le principe de domination, cela ne s’appelle pas de la récupération, cela s’appelle une prise de conscience. Jeudi dernier, j’étais à une assemblée qui proposait un premier tour social. Pourquoi pas ? Si le gréviste criminalisé qu’on empêche d’exercer son droit peut apprendre à voir la domination à l’oeuvre dans le viol d’un jeune de banlieue par la police, pourquoi pas. Alors oui, cette domination j’ai envie de l’appeler capitalisme, parfois, je suis tenté de simplifier, de réduire, parce que tout le monde connaît ce nom du démon, que c’est familier, mais je crois que quand on parle seulement du capitalisme, allez savoir pourquoi, on passe pour un sectaire, on passe pour quelqu’un qui ne réfléchit pas, quelqu’un qui viendrait du passé. Mais le capitalisme a un avenir tout prévu pour vous et moi. Parce que l’oligarchie fera ce qu’il faut pour préserver son mode de vie, son confort, son insouciance, comme elle le fait déjà dans certains pays en érigeant des murs de béton entre ses terrains de golf et les favelas. Alors oui, j’emploie le mot capitalisme, non pas comme la source de tous les maux, mais comme le modèle le plus évident du principe de domination.

Je suis moi aussi contre la corruption, et que parce que je suis contre la corruption, je suis aussi anticapitaliste ; mais dans l’autre sens, c’est aussi parce que je suis contre toutes les formes de domination que je suis contre le capitalisme. Il n’y a pas, pour moi, de contradiction, de solution de continuité. Quand on lutte contre le nucléaire et sa puissance destructrice qui met en danger l’existence même de l’humanité, on lutte aussi contre le capitalisme, en même temps qu’on lutte contre la destruction de l’habitat naturel d’animaux qui n’ont pas demandé à mourir. Quand on lutte contre le CETA, on lutte pour la démocratie (puisque ce traité est adopté contre la volonté des peuples) en même temps que je lutte contre la destruction environnementale et la cuisine aux pesticides. Quand on lutte contre l’invasion publicitaire, on lutte aussi contre le sexisme, on lutte aussi contre la course effrénée à la consommation qui n’enrichit pas et ne rend pas plus heureux mais qui profite aux capitalistes, on lutte aussi contre le matraquage des esprits par une idéologie omniprésente qui distrait l’homme de ses vraies préoccupation, on lutte contre le gaspillage d’énergie des écrans lumineux alors que certains ne peuvent pas se chauffer chez eux.

Appelez l’ennemi capitalisme si vous voulez, appelez le corruption, appelez-le système de domination. Ces mots désignent les facettes différentes d’une même réalité, qui change d’aspect selon le point d’où on la regarde, et l’échelle à laquelle on la regarde, mais qui ne change pas de nature. Derrière les masques multiples, reconnaissons notre ennemi, car il n’a pas changé, et il ne changera pas. La grande force de l’oligarchie régnante, c’est de nous avoir convaincus, avec la social-démocratie, que le capitalisme pouvait prendre visage humain, qu’il pouvait être éthique, qu’il pouvait être un ciment social. Il ne le peut pas. Il ne le veut pas, ne l’a jamais voulu. La logique du capitalisme c’est de dérober toujours davantage le profit du travail pour le donner aux plus puissants, la logique du capitalisme, c’est la logique des banques qui nous encouragent à contracter des crédits, à devenir les esclaves de la dette, la corruption capitaliste, c’est quand une banque mondiale pousse un pays entier vers la faillite pour en faire une zone de prolétariat docile à force de désespoir. La logique du capitalisme c’est de vous exploiter le plus possible, en s’assurant bien de ne jamais franchir la limite de l’inacceptable, et en faisant tout ce qu’il peut pour repousser en même temps la limite de ce qui est acceptable, en nous inculquant le sens de la fatalité, en nous gorgeant de pensée unique, en payant des bouffon pour nous divertir et nous faire oublier que nous sommes des esclaves. Panem et circenses, du pain et des jeux, rien de nouveau sous le soleil de la servitude volontaire. Diversion et écran de fumée : François Hollande prétend lutter contre l’évasion fiscale d’un côté, et il donne de l’autre main 48 milliards d’allègement fiscal aux entreprises… François Hollande n’est pas un président qui a trahi ses promesses, François Hollande est un illusionniste qui a raté son numéro. Tout va bien du moment qu’il donne l’impression de lutter contre la corruption : il n’a pas besoin de vraiment le faire. Il a seulement besoin d’être vu en train de le faire.

Soyons plus perspicaces, sans sombrer dans le complotisme qui n’est qu’un autre masque de la domination. Demandons-nous, comment les politiques accomplissent-ils ce prodige qui consiste à rester au pouvoir malgré leur corruption patente, comment parviennent-ils, et ils vont continuer à le faire aux élections régionales, aux élections législatives, à se maintenir malgré les mensonges ?

Comment rendent-ils acceptable cette situation ? Comment faire accepter cette victoire d’une classe ? Comment font-ils de nous, non plus seulement des esclaves du système, mais des gardiens de ce même système ? Par un autre mensonge d’abord, celui qu’aucun autre monde n’est possible, comme disait Pangloss à Candide. Par l’optimisme, la rage d’affirmer que tout est bien quand tout est mal. Mais ce mensonge ne serait pas suffisant, il faut y ajouter la terreur. Le capitalisme comme tout système de domination, règne par la terreur, par la mise en scène de la terreur. En nous montrant ce qui arrive lorsqu’on lui désobéit. Ce qui arrive quand on désobéit, vous le voyez tous les jours. C’est la mort dans la rue. Nous pourrions aujourd’hui, si nous le voulions, s’il existait une volonté politique de le faire, nous pourrions loger tous les sans abris. Et il n’y aurait même pas besoin de récupérer l’argent de l’évasion fiscale pour cela. Ou même de la fraude patronale. Tous les SDF de France, demain, nous pouvons les loger. Nous ne le faisons pas. Le pouvoir s’y refuse. Pourquoi ? Parce que le déclassement, la pauvreté visible, la misère du chômage et de l’exclusion qui en résulte, sert d’avertissement et de menace : les SDF ne sont pas dans les rues parce que nous ne pouvons pas les loger, ils sont là parce qu’ils sont l’épouvantail qui fait que nous nous tenons à carreau, que nos restons dans le rang, que nous acceptons notre sort parce que nous craignons qu’en nous battant pour nos droits nous risquons de tout perdre. Ils sont, de ce point de vue, instrumentalisés dans la construction de l’acceptabilité sociale.

8) La guerre sociale aura bien lieu

Parfois, on ne s’attaque pas aux criminels par le biais le plus évident : parfois, on les fait tomber par les biais les plus inattendus : Al Capone, par exemple, avait tellement corrompu la police de Chicago qu’il était impossible de l’inculper de meurtre ou de quelque autre grand crime de notoriété publique. Al Capone est tombé parce qu’il ne payait pas ses impôts. Peut-être qu’aujourd’hui, on peut faire tomber le capitalisme en tant qu’idéologie, et l’oligarchie qui le maintient en place comme système de domination, en luttant contre la corruption. Peut-être. Je n’y crois pas. Ce n’est pas suffisant. Nous sommes en guerre sociale : ce n’est pas moi qui le dis, c’est François Fillon lui-même, dans le discours qu’il a tenu devant les grands patrons français :

https://www.youtube.com/watch?v=iaaEICTmebs (particulièrement à partir de 15 minutes 28 secondes, le fameux passage du « blitzkrieg » (qui désigne la guerre éclair menée par l’Allemagne contre la France et l’Angleterre en 1940) :

Écoutons-le :

« Moi, c’que j’veux c’est qu’le 1er juillet (2017 : ndlr) les deux ou trois ministres chargés des réformes : l’Economie et les Finances, le Travail pour l’essentiel …  arrivent avec des textes prêts …, et dans une forme de Blitzkrieg, … fassent passer devant le Parlement en utilisant d’ailleurs tous les moyens que donne la Constitution de la Vème République : les ordonnances, les votes bloqués, et le 49,3, tout ce qui est nécessaire, fassent passer en l’espace de deux mois, sans interruption estivale, les six ou sept réformes fondamentales qui vont changer le climat de l’économie et le climat du travail dans not’pays. C’est évidemment pour moi l’abrogation des 35 heures et la suppression de la durée légale du travail et le renvoi à la négociation dans les entreprises sans contrainte, c’est le nouveau code du travail,… c’est la réforme de la fiscalité du capital, fondamentale pour relancer l’activité économique dans not’ pays…. ».

Dans ce long oral, Fillon explique également comment il compte organiser un référendum en septembre 2017 afin de prolonger la tension électorale de la présidentielle, de sorte que l’attention se concentre sur les questions du référendum et juguler ainsi toute velléité de contestation sociale. Voilà exactement comment cet homme entend corrompre un outil démocratique pour s’en servir comme d’un outil au service de l’oligarchique : le référendum utilisé comme instrument contre la démocratie, il fallait tout le cynisme et toute l’arrogance de classe d’un grand-bourgeois comme François Fillon pour tenir ces propos publiquement.

Mais ne vous y trompez pas : lorsque François Fillon parle, ce n’est pas l’individu seulement qui s’exprime, mais à travers lui le capitalisme et le principe de domination.

Quand j’entends dénoncer la corruption, je me réjouis. Mais je ne peux m’empêcher de me méfier, car cette dénonciation risque fort de situer la corruption dans un paradigme dangereux, celui la différence entre le normal et le pathologique. La corruption serait une maladie de la république, et il faudrait s’en défaire pour restaurer la santé du corps politique. Il y aurait des brebis galeuses à mettre en quarantaine, des indélicats qu’il suffirait de contrôler pour vivre dans le meilleur des mondes possible. Or à mes yeux, cette opposition entre santé et maladie dont la frontière se situerait sur l’interface entre corrupteur et corrompu, cette opposition qui reprend l’image biologique que j’évoquais tout à l’heure, elle n’est à mes yeux plus vraiment opérante. Cette conception de la frontière entre le normal et le pathologique cache un fait essentiel : c’est que la normalité capitaliste est une pathologie humaine en soi. Ou pour quitter définitivement le vocabulaire médical, pour transférer dans un vocabulaire philosophique, que le principe de domination dont la corruption capitaliste est une donnée fondamentale et non pas contingente, est anti-humaniste.


l’enregistrement complet de l’intervention et de la discussion.

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