Entre une importante manifestation du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), l’arrivée de la marche des « jours heureux » et de la manifestation pour Adama Traoré sur la Place de la République, Antoine nous a parlé du rôle souvent mal connu de l’Afrique et des Africains dans la Résistance (1940-1944) ainsi que de la relation entre certains résistants français et le continent africain après 1944.
Vous pouvez écouter un enregistrement audio de l’intégralité de l’intervention en bas de page
Voici son texte :
l’Afrique et les Africains dans la Résistance
(1940-1970)
La place marginale occupée par l’Afrique et les africains dans l’histoire de la Résistance française durant la Seconde Guerre Mondiale se retrouve dans la définition même de ce qu’on appelle la Résistance.
En effet, on a pris l’habitude de limiter à la résistance intérieure le nom de Résistance. La résistance extérieure est, quant à elle, appelée France libre. On observe ainsi une distinction entre deux mouvements : d’un côté une résistance intérieure constituée d’individus courageux rassemblés au sein d’organisations de toutes sortes ; de l’autre une France libre incarnée par un homme, De Gaulle, et quelques militaires français. Or, ces deux résistances ont procédé du même mouvement : le refus de la domination allemande et le combat pour la libération de l’ensemble du territoire français, à savoir la Métropole et son Empire. C’est afin de joindre ces deux résistances que je vais vous parler de la France libre et de la forêt africaine que cache l’arbre De Gaulle ; puis, je me pencherai sur le programme du Conseil National de la Résistance et de la trajectoire africaine de plusieurs résistants de l’intérieur durant l’après-guerre.
En juin 1940, la France est défaite par l’armée allemande (à voir : un témoignage sur cette année) ; tandis que la IIIème République s’effondre, plusieurs militaires français rejoignent l’Angleterre où ils décident de refuser l’armistice et de continuer le combat. Il n’est nécessaire de revenir en détail sur l’appel du 18 juin ; de Gaulle est alors un petit officier peu connu des Français et son appel radiophonique ne fait pas beaucoup de bruit en France. On a depuis construit tout une légende autour de cet appel (notamment à l’école et dans les médias), sans doute pour glorifier De Gaulle, mais également du fait que cet appel a eu des conséquences, notamment en Afrique Equatoriale.

Depuis N’Djamena, le Gouverneur du Tchad, un Guyanais du nom de Félix Eboué, a, lui, entendu l’appel de De Gaulle ; il décide d’y répondre le 26 aout 1940, après avoir reçu depuis Londres un télégramme l’enjoignant à rejoindre les Forces Françaises Libres. Il engage alors le Tchad, puis les autres territoires de l’AEF et le Cameroun dans la résistance et offre par la même occasion à cette France Libre dirigée par De Gaulle le territoire nécessaire à sa légitimité politique. Le 12 novembre 1940, De Gaulle le place au poste de gouverneur général de l’Afrique Equatoriale Française où la France libre fixe sa capitale, Brazzaville.

Mais cette assise territoriale n’offre pas seulement une légitimité aux hommes rassemblés autour de De Gaulle, elle leur permet d’engager des manoeuvres militaires contre l’Axe et l’Etat Français. Les richesses matérielles et humaines de l’AEF et du Cameroun sont alors mises à contribution pour l’effort de guerre. Outre l’intensification du travail forcé et l’apport économique de l’AEF, ce sont les soldats africains qui contribuent le plus directement à la restauration de la dignité d’une partie de l’armée française. Il est d’ailleurs intéressant de voir qu’entre les déclarations des officiers français de l’époque et les travaux des historiens, les chiffres relatifs à la part occupée par les forces coloniales varient beaucoup, avec une tendance des premiers a réduire cette participation. Les derniers chiffres établis pour les années 1940-1943 donnent 39 000 français et 30 000 coloniaux.

La bataille de Koufra (sud Libyen) constitue la première victoire des jeunes Forces Françaises Libres. Du 21 décembre 1940 au 2 mars 1941, ce sont 300 soldats Tchadiens et Camerounais qui, aux côtés d’une centaine de Français dirigés par Leclerc, mettent en déroute l’armée fasciste de Mussolini. C’est à cette occasion que le régiment victorieux prononce le serment de Koufra :
Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg.
Désormais la France Libre est en marche vers la libération de l’Empire – Métropole comprise.
Je ne parlerai pas de Bir Hakeim (26 mai-11 juin 1942), ni de tous les exploits de cette armée franco-africaine (l’écrasante majorité des africains n’étaient pas citoyens français). Il convient plutôt de préciser qu’en France, il faut attendre mai 1941 pour que le Parti Communiste Français lance un appel à la résistance et créé le Front National (certains n’avaient cependant pas attendu les directives du parti pour commencer à organiser cette résistance). En octobre, Jean Moulin rencontre De Gaulle à Londres. parachuté en France en janvier 1942, il lui faut plus d’une année pour créer le Mouvement Uni de la Résistance (Combat, Franc-Tireur et Libération-Sud), puis réunir tous les mouvements de résistance au sein du Conseil National de la Résistance (CNR) le 27 mai 1943.
C’est ce conseil qui impose aux Américains et aux Britanniques qui ont débarqué au Maroc en novembre 1942 de considérer De Gaulle comme l’égal de leur homme, le Général Henri Giraud, devenu commandant de l’AOF et de l’Afrique du Nord. Peu après la fusion de l’Armée d’Afrique avec les FFL (création de l’armée française de la Libération en août 1943), Giraud est écarté du jeu politique et De Gaulle se retrouve seul à la tête du Comité National de la Libération Française (formé le 3 juin 1943), futur Gouvernement Provisoire de la République Française (3 juin 1944).
Sans le prestige et l’efficacité des FFL, (et le soutien politique apporté par le CNR), De Gaulle n’aurait pu rallier à lui l’armée d’Afrique et imposer son autorité à l’armée française de la Libération, désormais constituée d’une majorité de soldats maghrébins (environ 60% des effectifs). Ce sont ces soldats qui, aux côtés des militaires français et des forces coloniales de l’AEF et de l’AOF, participent à la campagne d’Italie et à la libération de la France. Il convient ici de rappeler que c’est l’Etat-Major américain (avec Eisenhower à sa tête) qui, après avoir chercher à placer porter les généraux vichystes Darlan et Giraud à la tête de la résistance, a insisté pour que cette armée soit blanchie avant son entrée victorieuse dans Paris.
Cette affaire souvent rappelée est désormais assez bien connue. Mais il est une question que peu se posent : qu’est-il advenu du serment de Koufra? Ici également, le travail de l’historien s’avère nécessaire tant les livres à la gloire de Leclerc et de l’armée française ont imposé une lecture biaisée de l’histoire. En effet, ce serment n’a jamais été tenu pour la simple raison que, comme la plupart des combattants noirs, les soldats Tchadiens et Camerounais (les 3/4 des forces victorieuses à Koufra) ont été forcées de laisser leur place et leur uniforme à des résistants français des FFI dans les Vosges, en novembre 1944, soit à quelques kilomètres de Strasbourg.

La question du blanchiment n’est que la partie émergée de l’iceberg du racisme que rencontre dans le nord de la France les troupes coloniales et les volontaires antillais dont faisait parti le jeune Frantz Fanon (il rentre en Martinique totalement démoralisé et pétri de regrets). Justifiée par l’armée française pour des raisons climatiques, le blanchiment découle en réalité d’une double crainte des officiers français : le développement de révoltes au sein des effectifs coloniaux et le développement des FFI en forces autonomes.
Une fois la France libérée, les Africains peuvent prendre la mesure que la guerre n’a en rien changé les vieilles habitudes coloniales de l’armée française. Le massacre de Thiaroye le 1er décembre 1944, puis ceux de Sétif, Guelma et Kherrata en mai 1945 sont la pour le rappeler aux indigènes de l’Empire français.
En métropole, c’est dans l’allégresse de la libération que le Gouvernement Provisoire s’engage dans l’application du programme du CNR. Il s’agit d’un court texte adopté le 15 mars 1944 et intitulé Les jours heureux. On y trouve un « plan d’action immédiate » en vue de la libération du territoire et des mesures à appliquer une fois la libération achevée ; 5 types de mesures sont listés :
1er point – économie : démocratie dans les entreprises, nationalisation et planification. (Le 27 juillet 1944, une des mesures figurant dans le programme du CNR est accomplie avant la Libération de Paris : le GPRF d’Alger rétablit la liberté syndicale et abolit la Charte du travail.)
2ème point – social : le plus fourni en terme de mesures. On compte par exemple la création d’un « plan complet de sécurité sociale »
4ème point – éducation : « la possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance, mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires. »
3ème point – l’Empire : une seule proposition, très vague :
une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales.
Pourquoi ce caractère aussi vague en ce qui concerne les populations indigènes et coloniales? Cela s’explique par le débat relatif à la forme que doit prendre l’empire français :
- La fédération : défendue par Félix Eboué et inspirée du Commonwealth britannique . Il s’agit d’une fédération de territoires autonomes placés entre eux sur un pied d’égalité. A noter que son principal partisan, Félix Eboué, rejetait la politique d’assimilation.
- La position jacobine (l’indivisibilité de la France et son Empire) consiste à opter pour une décentralisation institutionnelle au sein d’un cadre français maintenu tel quel.
À la Conférence de Brazzaville, organisée au moment où le programme du CNR prenait sa forme finale (30 janvier au 8 février 1944), l’option fédérale est ardemment combattue par les administrateurs coloniaux et c’est l’option assimilatrice qui s’impose. Le vague dans les mesures préconisées au sujet de l’Empire dans le programme du CNR est bien le signe que celui-ci n’était pas prêt à reprendre les décisions de Brazzaville et que les résistants de l’intérieurs étaient favorable à une évolution bien plus libérale de l’Empire français – sans pour autant le remettre en question.

La question ne sera tranchée ni en 1946 (Union Française), ni en 1956 (loi-Cadre Defferre : voir une vidéo de 1956) mais en 1958 avec la mise en place la Communauté (une sorte de Fédération d’Etat autonomes régis par la Constitution de la Cinquième République qu’ils ont adopté au suffrage universel le 28 septembre 1958). Le mouvement nationaliste et anticolonialiste aura raison de cette structure en 1960. Aujourd’hui, cette relation entre la France et ses anciennes colonies africaines repose essentiellement sur les accords économiques et militaires, le Franc CFA, les réseaux françafricains (politique et capitalisme) et un certain nombre d’organisations telles que l’Organisation Internationale de la Francophonie.
Ainsi, comme l’a écrit récemment Eric Jennings dans La France libre fut Africaine (2014):
l’AEF et le Cameroun ont été appelés jusqu’en 1943 a compenser la quasi-totalité de l’Empire, mais également la métropole, hors combat elle aussi. C’est donc à la fois pour sa contribution à l’effort de guerre allié, et en raison de l’africanité méconnue du mouvement gaulliste de 1940 à 1943, que l’histoire de l’Afrique française libre interpelle. Elle présente à ce titre une correction au mythe d’une résistance essentiellement londonienne et métropolitaine.

Apparait donc le poids de l’Afrique et des Africains dans la construction d’une France libre, solide, crédible et unie derrière De Gaulle. L’importance de l’Afrique apparait en filigrane dans le programme du CNR qui, du fait des décisions prises à Brazzaville en l’absence d’Eboué (alors mourant), ne pouvait proposer les mesures libérales (fédéralisme et rejet de l’assimilation) qui seront portées par les 25 élus de l’Afrique noire qui, dès octobre 1945, siègent au Palais Bourbon. Ce sont ces hommes politiques africains (Félix Houphouët-Boigny, Leopold Sedar Senghor, Sourou Migan Apithy et d’autres) qui se saisissent alors de la question du contenu des réformes préconisées par le CNR.
En France, on a compté environ 5000 « tirailleurs » africains au sein des Forces Françaises de l’Intérieur. On en trouvait dans les différents maquis de France (52 dans celui du Vercors). On compte également quinze africains dans l’ordre de la Libération (1063 membres) : un Algérien, deux Béninois, un Burkinabé, trois Centrafricains, un Guinéen, un Malien, un Marocain et cinq Tchadiens.
Mais parlons un peu des Français, en commençant par les membres du CNR, et leur relation à l’Afrique après la guerre.

Louis Saillant : ouvrier sculpteur sur bois, membre de la CGT, il entre en résistance fin 1940 et représente la CGT au sein du CNR. En octobre 1945, il participe à la fondation de la Fédération Syndicale Mondiale lors du congrès de Paris. C’est avec l’appui de ce congrès qu’une George Padmore, WEB Dubois, Kwame Nkrumah et Jomo Kenyatta parviennent à organiser le Cinquième Congrès Panafricain à Manchester, point de départ de la décolonisation de l’Afrique. Avec Louis Saillant à sa tête, la FSM apportera son appui aux forces syndicales africaines placées à l’avant garde du combat nationaliste.

Daniel Mayer : journaliste et homme politique (SFIO). Il entre en résistance en juillet 1940 et représente la SFIO (Parti Socialiste) au sein du CNR. Nommé Ministre du Travail et de la Sécurité Sociale à deux reprises entre 1946 et 1949, il est le père (avec Ambroise Croizat) de beaucoup des acquis sociaux que nous défendons actuellement. Dans un premier temps silencieux sur la politique coloniale de la France, il s’oppose progressivement à la politique algérienne de Guy Mollet – début 1957, il crée un comité pour la paix en Algérie, rapidement interdit par la SFIO. En 1958, il décence les conditions de la prise de pouvoir de De Gaulle et le ralliement de la SFIO qu’il quitte. Il démissionne la même année de son siège de député pour prendre la tête de la Ligue des Droits de l’Homme et combattre la politique française en Algérie.

René Vautier : intègre la résistance en 1943, à l’âge de quinze ans. Décoré de la croix de guerre et cité à l’ordre de la Nation en 1944. Arrivé premier de sa promotion à l’Institut des Hautes Etudes Cinématographiques en 1948, il est envoyé en Afrique l’année suivante pour réaliser un reportage sur les conditions de vie dans les villages de l’AOF destiné à la propagande coloniale. Sur place, il prend la mesure des conditions inhumaines dans lesquelles vivent les populations africains ; il décide alors de réaliser un documentaire à charge contre la colonisation française. Malgré la saisie par la police française d’une partie de ses rushs, il parvient à réaliser Afrique 50, un brûlot anticolonialiste condamné à la clandestinité jusqu’en 1996 (première diffusion télévisuelle en 2008). Après un court séjour en prison, Vautier rejoint se tourne vers l’Algérie où il tourne Une Nation, l’Algérie avant de rejoindre le maquis en 1956. Il y reste pour y tourner des films favorables à la Révolution Algérienne jusqu’au coup d’Etat qui renverse Ben Bella en 1965.

Yves Bénot (vrai nom : Edouard Helman) : étudiant en lettres, il rejoint la France libre en 1943 en compagnie d’Armand Gatti – suite à la déportation de ses parents. Après la guerre, il fréquente les milieux surréalistes parisiens, enseigne les lettres au Maroc et collabore aux différentes publications du PCF. Dans les années 1950, il se tourne vers les luttes anticolonialistes qui secouent l’Afrique. Suite à l’indépendance de la Guinée, il se rend à Conakry afin de participer à l’effort de construction nationale de la jeune nation rebelle. Il se lie alors avec l’aile gauche du parti de Sékou Touré, le PDG si bien que lors de l’affaire du complot des enseignants de novembre 1961, il claque la porte de la Guinée et s’établit au Ghana. A Accra, il co-dirige l’institut des langues et participe à l’édition de la version française du nouvel organe de presse de la révolution africaine : L’Etincelle. Il quittera le Ghana suite à la chute de Nkrumah en 1966.
Il a publié de nombreux livres sur le colonialisme et les luttes de libération en Afrique :
Idéologies des indépendances africaines (Maspéro, 1969, rééd. 1972)
Diderot, de l’athéisme à l’anticolonialisme (Maspero, 1970
La Révolution et la fin des colonies (La Découverte, 1987
Les députés africains au Palais-Bourbon (Chaka, 1989)
Massacres coloniaux. 1944-1950 : la IVe République et la mise au pas des colonies françaises (La Découverte, 1994)
En 1993, il prend la présidence de l’Association pour l’étude de la colonisation européenne 1750-1850, une position qu’il conservera jusqu’à sa mort.

Jacques Vergès : avocat et militant anticolonialiste. Il s’engage dans la résistance à dix-sept ans en 1942. Avec les FFL, il participe à toutes aux campagnes de France et d’Italie. Après la guerre, il rejoint le PCF et, devenu secrétaire de l’Union Internationale des Etudiants en 1952, s’engage dans l’anticolonialisme. Devenu avocat, il défend corps et âme le FLN algérien et s’illsutre dans la défense de Djamila Bouhired, avec qui il se marie. Après avoir quitté le PCF en 1957, il se converti à l’islam puis, suite à l’indépendance de l’Algérie, prend la nationalité algérienne. Il y fonde successivement deux revues Révolution Africaine (1962), puis Révolution (1963). Devenu maoïste en 1963, il reste en Algérie jusqu’à sa disparition de 1970 à 1978. Il s’illustre en tant qu’avocat lors du procès de la Sonacotra, accusée d’exploitation de travailleurs migrants. Par la suite, c’est la défense de Klaus Barbie et d’autres « salauds » qui lui vaudront sa réputation sulfureuse.

Jean Suret-Canale : géographe et historien spécialiste de l’Afrique. Après avoir visité le Dahomey et l’Indochine en 1938-9, il adhère au PCF et rejoint les francs-tireurs et partisans (FTP) dès 1941. En 1946, il enseigne au lycée de Dakar avant d’être expulsé par les autorités. Il revient en Afrique à l’occasion de l’indépendance de la Guinée, où il demeure jusqu’en 1963, date à laquelle il se voit contraint par Paris de rentrer en France. Après 4 années passées en Algérie (1974-8), Suret-Canale rentre définitivement en France où il continue d’enseigner et de militer, notamment au sein du MRAP et l’Association de solidarité avec les peuples d’Afrique (AFASPA).

On compte également un certain nombre d’anciens résistants français qui ont combattu le mouvement de libération nationale en Afrique. Pierre Messmer, résistant de la première heure s’est distingué dans la guerre que la France a mené contre l’UPC au Cameroun. D’autres figures de la résistance (actifs à partir de 1943), telles que François Mitterand (Ministre de la France d’Outre-Mer), Bernard Cornut-Gentille (gouverneur de l’AOF en 1958) et Louis de Guiringaud (Ambassadeur de France au Ghana 1958-1960) ont joué un rôle de premier plan dans l’effort français pour contrer le mouvement panafricain qui menaçait l’Union Française.
Je concluerai en citant un passage de la conclusion des Damnés de la Terre de Frantz Fanon, lui-même décoré Croix de Guerre, et militant acharné de la libération des peuples :
Tous les éléments d’une solution aux grands problèmes de l’humanité ont, à des moments différents, existé dans la pensée de l’Europe. Mais l’action des hommes européens n’a pas réalisé la mission qui lui revenait et qui consistait à peser avec violence sur ces éléments, à modifier leur arrangement, leur être, à les changer, enfin à porter le problème de l’homme à un niveau incomparablement supérieur.

Aujourd’hui, nous assistons à une stase de l’Europe. Fuyons, camarades, ce mouvement immobile où la dialectique, petit à petit, s’est muée en logique de l’équilibre. reprenons la question de l’homme. reprenons la question de la réalité cérébrale, de la masse cérébrale de toute l’humanité dont il faut multiplier les connexions, diversifier les réseaux et réhumaniser les messages.
Alons frères, nous avons beaucoup trop de travail pour nous amuser des jeux d’arrière-garde. L’Europe a fait ce qu’elle devait faire et somme toute elle l’a bien fait ; cessons de l’accuser mais disons-lui fermement qu’elle ne doit plus continuer à faire tant de bruit. Nous n’avons plus à la craindre, cessons donc de l’envier.
Le tiers monde est aujourd’hui en face de l’Europe comme une masse colossale dont le projet doit être d’essayer de résoudre les problèmes auxquels cette Europe n’a pas su apporter de solutions.
Qu’il s’agisse de leur contribution décisive à la geste de De Gaulle et Leclerc et de leur présence au sein des différents maquis français, les Africains continuent de souffrir d’une invisibilité chronique aussi bien dans le récit national français que dans les programmes politiques élaborés par les différents partis politiques. Le cas d’Adama Traoré, victime d’une bavure policière presque banale, a une fois de plus révélé la principale méthode dont disposent policiers, gendarmes, procureurs et médias : le silence. Il a bien fallu la mobilisation de la famille, des amis et de quelques citoyens informés et concernés pour que les médias, puis les citoyens français portent leur attention sur la mort de ce

jeune citoyen français. L’histoire nous enseigne qu’à défaut de mourir lentement, les empires peuvent se transformer. Celui que la France a bâti au XIXème siècle semble bien vivant. Il est temps que les habitants de cet espace réfléchissent à sa transformation ou à sa destruction. Car, à l’instar de la Conférence de Brazzaville, les réunions au sommet des administrateurs d’aujourd’hui (présidents, diplomates et ministres) ne sauraient apporter la moindre transformation positive à cet espace franco-africain. Un premier effort consisterait à se saisir de notre propre histoire, celle de la colonisation française, et de reconnaître les enjeux politiques qu’elle porte pour notre présent et notre avenir (Catherine Coquery-Vidrovitch, Les enjeux politiques de l’histoire coloniale, Agone, 2009).
Pour aller plus loin :
- L’intervention de Smockey (Balais Citoyen – Burkina Faso) à l’AG de Nuit Debout République : https://www.youtube.com/watch?v=KleEh-eOQ14
- Un entretien avec Eric Jennings, auteur de La France libre fut africaine (Perrin, 2014) : http://www.jeuneafrique.com/133714/societe/ric-jennings-l-afrique-a-financ-la-r-sistance-fran-aise/
- Trois articles en hommage aux combattants congolais (1939-1945):
- 1 : http://voyage-congo.over-blog.com/article-hommage-combattants-congolais-france-104655643.html
- 2 : http://voyage-congo.over-blog.com/article-hommage-aux-combattants-congolais-1939-1945-2-104691623.html
- 3 : http://voyage-congo.over-blog.com/article-hommage-combattants-congolais-1939-1945-liberation-104691821.html
- Une conférence sur la guerre cachée de la France au Cameroun : https://www.youtube.com/watch?v=jstaVFRzVpg
- Deux conséquences de la mort d’Adama Traoré :
- Une proposition des « Jours Heureux » qui concerne l’Afrique : http://les-jours-heureux.fr/9-mesures-essentielles/8-des-echanges-internationaux-plus-justes/
- A voir :
- Documentaire « Les Brulûres de l’Histoire – Charles l’Africain : De Gaulle et l’Afrique noire, 1940-1969 » avec une interview de Jean Lacouture.
- le film de Rachid Bouchareb : Indigènes (2006)
- le documentaire de Bob Swain : Lumières Noires (2006)
- les conférences d’Amzat Boukari-Yabara
l’enregistrement complet de l’intervention.