Clément nous a parlé des échanges économico-sexuels.

Vendredi 20 mai // 81 mars.


Pour aller plus loin : 


Enregistrement audio :

https://archive.org/details/77-83mars/79+-+Clement+nous+a+parle+des+echanges+economico+sexuels+(2005+++16h).mp3

 

 

2 réflexions sur “Clément nous a parlé des échanges économico-sexuels.

  1. (Je suis le monsieur qui est parti – pouvait pas rester plus longtemps…) Je regrette que la condition des personnes prostituées n’ait pas été plus évoquée, que l’on n’ait pas parlé de la violence inhérente à cette condition, des jeunes femmes enlevées, séquestrées, violentées, droguées. C’est ça la condition des personnes prostituées. Il n’a pas été question de la marchandisation du corps de la femme, mais du choix : est-ce vraiment un choix d’aller faire des passes ? N’est-ce pas plutôt le résultat d’une misère sociale ? Il me semble que parler de « liberté » est vraiment une méconnaissance du sujet, ou bien ne s’agit-il que d’une forme de complaisance envers le système prostitutionnel, qui est composé principalement de réseaux mafieux. Venir en plus présenter le STRASS comme une organisation syndicale (je sais, c’est son fonds de commerce) et féministe, c’est quand même un peu fort. Il existe pourtant de nombreuses publications qui se font fort de démontrer le contraire. Bref, ce débat guère documenté n’est pas à l’honneur du « projet » Nuit debout. Il faudra trouver autre chose, et surtout apporter de quoi faire bouger les lignes.
    Bien cordialement.

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    1. Bonjour. Je suis l’intervenant. Je regrette aussi de ne pas avoir eu le temps d’aborder ces questions, je vais donc le faire ici, puisque vous évoquez ces questions. Votre intervention souligne trois points.

      – Vous parlez de la condition des personnes prostituées. Tout d’abord, il s’agit de situations très hétérogènes : de l’esclavagisme sexuel de femmes migrantes le plus abominable à la prostitution étudiante indépendante. Et, bien évidemment, le premier est à combattre avec le plus grand sérieux. Mais justement : la position « abolitionniste » française (bien que ce mot ne veuille plus dire grand-chose) s’oppose à la lutte efficace contre ces réseaux. Notamment, en militant, au niveau national contre international, contre le fait de faire la distinction, dans les politiques publiques de gestion de la prostitution, entre la prostitution forcée et celle qui ne l’est pas (voir le travail du sociologue Lilian Mathieu, notamment « La fin du tapin. Sociologue de la croisade pour l’abolition de la prostitution »). Or, il est absolument indispensable de pouvoir prendre en compte la spécificité des différentes situations prostitutionnelles si on veut lutter efficacement contre l’esclavagisme sexuel (voir un témoignage de l’avocat Maître Eolas sur le sujet : http://www.maitre-eolas.fr/post/2014/10/12/Martine-et-Yuliana ).

      – Vous parlez de la « violence inhérente à la condition de prostituée », mais cette violence n’est justement pas inhérente : elle est liée aux conditions d’exercice de celle-ci. Quand c’est le cas, à l’exploitation de la prostitution par un proxénète, par l’esclavagisme (en France) ou le salariat (en Belgique, et qui ne vaut guère mieux). Également, à la désocialisation et à la fragilité juridique des personnes prostituées. Voir, notamment, les travaux d’Amnesty International sur la question.

      – Vous parlez de la question du choix : « est-ce un choix d’aller faire des passes ? » (si l’on écarte l’esclavagisme sexuel, évidemment, puisque dans ce cas la réponse est évidente). J’en parle un peu dans mon intervention : la réponse est « oui et non ». Il s’agit d’un choix, un choix contraint, comme tous les choix effectués sur un marché, qui sont par nature négociés. Est-ce un choix d’être femme de ménage ? Est-ce un choix de faire les 3-8 ? Est-ce un choix d’être caissier en contrat précaire ? Ben… Oui et non. Sauf que, pour ces décisions-là, la société les légitimes : la situation de femme de ménage ou de caissier est présumée choisie, alors que celle de prostituée est présumée contrainte. Pourtant, les dynamiques sont les mêmes. Je vous renvoie à l’essai de Virginies Despentes, « King kong théorie », où elle aborde cette question.

      – Le « système prostitutionnel » est un pur concept de communication, c’est de la novlangue néolibérale. L’idée de rassembler proxénètes, clients, anti-abolitionnistes et organisations de travailleur/ses du sexe dans un seul grand groupe qualifié de « système prostitutionnel », et qui serait responsable de l’existence de la prostitution est hautement critiquable. Il est faut de croire que la demande crée l’offre, c’est l’inverse : la raison qui pousse une personne à se prostituer est rarement « il y a des clients, il faut bien que quelqu’un s’en occupe ».
      S’il y a un système qui pousse des personnes à se prostituer, c’est notre système économique qui crée de la pauvreté et de la misère. C’est la politique migratoire française, la xénophobie qui exclut des femmes du marché du travail, la transphobie qui en exclut des personnes trans, l’homophobie qui balance des jeunes à la rue, chassés de leur famille, à dix-sept ans. Et enfin, l’organisation de la sexualité hétérosexuelle selon les modalités de l’échange économico-sexuel.
      Là sont les causes de la prostitution, pour qui voudrait vraiment la combattre.

      – Le STRASS est une association qui se revendique être un syndicat, issu des mouvements de santé communautaires des travailleur/ses du sexe des années 80 (encore une fois, voir le travail de Lilian Mathieu). Vous me dites que de nombreuses publications démontrent que le STRASS n’est pas une organisation syndicale. Je serai curieux d’en lire une. La plupart de ce que j’ai pu lire contre le STRASS n’était composé de rien de matériel ou de vérifiable (et comme mon intervention était « peu documentée », j’espère que vous le serez plus que moi).

      Enfin, mais c’est juste pour chipotter, Nuit Debout n’est pas une « projet ».

      Bien cordialement,
      Clément

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